Stars architecture

ANNE LACATON ET JEAN-PHILIPPE VASSAL Deux inconnus pour le prix Pritzker

C’est un choix qui est dans l’air du temps: moins d’esbroufe et plus de modestie, plus de sérieux, plus de vertu et d’engagement citoyen. Considéré comme le Nobel des architectes, le prix Pritzker a été décerné cette année, en mars dernier, à deux illustres inconnus, les Bordelais Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, qui n’on sont pas moins d’authentiques créateurs. Leur originalité: ils plaident pour une architecture dédiée au plus grand nombre, agréable à vivre et humaine, et préfèrent la rénovation respectueuse à la déconstruction-reconstruction flamboyante. L’œuvre qui les a fait un peu connaître: la maison Latapie, une maison individuelle réalisée en 1993 pour une famille de deux enfants près de Bordeaux, à la rue Floirac. De grands espaces, de grandes pièces et beaucoup de lumière pour un coût minimum! Ils ont aussi rénové et transformé de fond en comble, en 2012, le Palais de Tokyo, à Paris, qui avait été érigé pour l’Exposition universelle de 1937 et qui est devenu un Centre d’art contemporain.

«Leur travail, qui répond aux urgences climatiques et écologiques de notre temps autant qu’à ses urgences sociales, en particulier dans le domaine du logement urbain, redonne de la vigueur aux espoirs et aux rêves modernistes d’amélioration de la vie du plus grand nombre, a estimé le jury du prix Pritzker. Ils y parviennent grâce à un sens aigu de l’espace et des matériaux qui engendre une architecture aussi solide dans ses formes que dans ses convictions, aussi transparente dans son esthétique que dans son éthique».

Le cri du cœur des lauréats: «Il faut transformer plutôt que démolir!»

RUDY RICCIOTTI Et maintenant une Tour des tissus en béton!

Il est célèbre pour son Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille, inauguré en 2013, et pour tant d’autres réalisations, mais aussi pour son ardeur à défendre bec et ongles, non seulement son cher béton, mais aussi une architecture audacieuse et détonante. Lauréat en début d’année du concours d’architecte pour rénover le Musée des tissus, à Lyon, Rudy Ricciotti a choisi d’habiller le bâtiment d’élégantes lamelles de son cru. Le projet consiste en fait à rénover deux hôtels particuliers du XVIIIe siècle et à les réunir en les coiffant par un immeuble neuf, «la Tour des tissus», qui sera revêtu d’un drapé minéral constitué d’une série de dentelles verticales en BFUP (béton de fibres à ultra-hautes performances).

Du pur Ricciotti, quoi!

JEAN NOUVEL Retour au quai Branly
Il a conçu un espace dédié qui est comme un écrin intimiste dans un écrin plus large, celui du Musée du quai Branly – Jacques Chirac, au pied de la tour Eiffel. Auteur de ce musée qui est peut-être son chef-d’œuvre, Jean Nouvel a redessiné entièrement une galerie, qui abrite désormais les trente-six oeuvres d’art africaines et océaniennes – statuettes, masques, objets de rituels et d’apparat – que le philanthrope Marc Ladreit de Lacharrière, ancien banquier et vingt-quatrième fortune de France, a offert au musée parisien, il y a trois ans. Espace, lumière, atmosphère, sensualité… Une invitation à la spiritualité et à la douceur!

«C’est le miracle d’un rêve qui s’est réalisé, confiait début avril l’architecte star au «Figaro». Un musée où se révèlent les œuvres et les objets de civilisation, pour certaines ancestrales et en voie de disparition. Cela grâce à la volonté de Jacques Chirac, un président passionné par toutes les cultures et qui concevait celles-ci à égalité de valeur. Ces objets sont aujourd’hui présentés dans des lumières, des couleurs, des rythmes qui leur appartiennent, et dans un espace qui donne sur un jardin parisien dédié».

Pour cette galerie en mezzanine, qui bénéfice d’une belle vue sur Paris, Jean Nouvel a choisi des matières au carrefour des cultures. «Les matériaux sont principalement le bois et le verre, dit-il. Le wengué est une essence africaine de couleur brun sombre. Elle était souvent utilisée pour les œuvres et les architectures. Ce wengué contraste avec une autre essence très claire, l’érable. Ce double choix harmonise la scénographie. Les planchers, les socles et les sièges alternent les deux essences pour créer une composition très identitaire».

François Valle