ID GENÈVE

Nouvelle ère pour l’horlogerie mondiale

A l’heure où l’on se parle, les diktats de l’horlogerie semblent bien établis et les codes du luxe restent a priori immuables. Complications horlogères de rigueur, matériaux nobles exigés et image de marque savamment orchestrée par pléthore de génies du marketing. Mais si une petite bande de trentenaires genevois talentueux et courageux venaient semer le trouble dans cette immense industrie codée et inspiraient à tous une introspection profonde? Serait-ce là le début d’une nouvelle ère? ID Genève débarque en cette fin d’année et porte à son poignet ce qui peut être en passe de devenir un nouveau standard de l’horlogerie mondiale. Découverte. 

2020, une année que d’aucuns qualifieraient, comme sa royale majesté britannique à propos de l’année 1992, d’annus horribilis. Pandémie mondiale liberticide, récession cataclysmique, liberté d’expression décapitée, en somme 365 jours turbulents et dont le monde mettra des décennies à se remettre. Mais, et parce qu’il y a heureusement un mais, l’humain continue d’utiliser chaque souffle dont il dispose pour penser. Cette pensée, que certains veulent faire taire, tapis dans l’opacité de leur voile religieux, est pourtant ce qui nous a permis depuis des siècles de continuer à évoluer. Cette pensée, ce vent d’esprit ingénieux, c’est ce qui anime depuis quelques années déjà la fine équipe d’ID Genève.
Une idée à la base, un investissement personnel colossal, un peu de bon sens et surtout l’envie de faire mieux sont les ingrédients qu’ont mixés les penseurs d’ID Genève pour proposer… une montre. Soit, rien de nouveau dans l’objet, mais une révolution dans l’approche et à la clef, une première mondiale et le Prix suisse de l’économie circulaire. Mais l’économie circulaire, c’est quoi au juste? Selon l’Office fédéral de l’environnement, «l’économie circulaire se différencie des processus de production linéaires encore largement répandus. Dans ces derniers, les matières premières sont extraites pour être transformées en produits, qui sont vendus, consommés puis jetés. Il en découle non seulement une raréfaction des matières premières, mais aussi des émissions polluantes, de grandes quantités de déchets et des atteintes à l’environnement. L’économie circulaire, quant à elle, réintègre les matériaux et les produits dans le circuit. En conséquence, elle nécessite moins de matières premières qu’un système linéaire. De plus, elle permet aux produits de conserver leur valeur plus longtemps et génère moins de déchets. L’économie circulaire englobe l’entier du cycle des matières et des produits, à savoir l’extraction, la conception, la production, la distribution, l’utilisation sur une durée aussi longue que possible et le recyclage. Elle demande ainsi une approche différente de la part de tous les acteurs». Soit, mais comment cela se matérialise-t-il dans la fabrication d’une montre? Tout d’abord, la matière dominante dans cette montre est l’acier. Première mondiale en l’espèce, l’acier utilisé est recyclé à 98% pour les premiers modèles et fleurte avec les 99,3% pour les prochaines pièces. La quasi-totalité de l’acier utilisé pour la fabrication d’une montre ID Genève provient donc… d’une déchetterie! Et c’est une première mondiale. Pour l’un de ses fondateurs, Nicolas Freudiger, «c’est le nouvel or du Jura». Non seulement le matériau utilisé provient à 98% du recyclage, mais en plus c’est local, donc traçable. Et c’est en cela que l’économie circulaire s’illustre. Non seulement, on extrait peu ou pas de matière première, non seulement on ne fait que valoriser ce qui n’est en réalité qu’un déchet (ou un surplus de production), mais en plus on n’affrète pas un cargo ou un avion depuis l’autre extrémité du globe, ce qui réduit l’empreinte carbone. Pour la structure de l’objet, l’objectif est donc rempli, mais pour le reste? Le mouvement mécanique est reconditionné par des horlogers à Genève. La qualité et la performance sont ainsi préservées, de même pour les masses oscillantes, ID Genève les récupère dans des stocks dormants avant de les personnaliser à son image, respectant à nouveau le principe de réutilisation ou de reconditionnement de produits existants. Une montre se portant au poignet, quid du bracelet d’une montre cachetée «économie circulaire»? Mère nature, dans sa grande générosité, a créé le raisin! En collaboration avec plusieurs start-up anglaises (Biophilica™) et italiennes (Vegea), les ingénieurs ont réussi à mettre au point un bracelet à base de marc de raisin et un autre à base de végétaux. Vegan et compostable. L’idée d’utiliser des déchets végétaux vient appuyer l’esprit global d’ID Genève, en ce qu’elle permet de remplacer le plastique. Epaulée par l’incubateur de start-up suisses du CET (Circular Economy Transition), ID Genève est en réalité bien plus qu’une nouvelle marque de montres, mais le porte-drapeau d’un mouvement générationnel impliqué. Une transition entre deux mondes est en train de s’opérer depuis quelques années et la jeune marque genevoise vient concrétiser, par un objet identitaire, ce paradigme auquel nous tendons tous. Un univers dans lequel l’économie est liée à l’équité sociale, au développement durable et à l’innovation.

Nicolas (31) – Fondateur,
Ecole hôtelière de Lausanne,
Ex-digital & eCommerce;
Manager chez Coca-Cola;
HBC Suisse.

Singal (39) – Designer,
Ecole cantonale d’art de Lausanne;
Designer indépendant;
Montres et mobilier urbain.

Cédric (30) – Horloger;
Ecole d’Horlogerie de Genève;
Diplôme en micromécanique;
Direction technique.

Et l’esthétique, dans tout ça?

Auto-investisseurs de leur propre marque, les fondateurs d’ID Genève proposent, dans un premier temps, un seul modèle. Unisexe, «Circular 1» est une montre, qui, à sa manière, combine les proportions de garde-temps classiques en mettant en relief et en rondeur les atours de modèles modernes. Fine et robuste, elle offre une lisibilité agréable et une luminosité confortable. A la fois sportive et élégante, elle sera facile à porter en toute circonstance et intriguera les amateurs d’horlogerie, dont la curiosité aura été piquée par cet «OPNI» (objet porté non identifié). Véritable ambassadeur des bijoux éthiques, ID Genève propose en réalité bien plus qu’une montre, une vision. Aujourd’hui les grandes marques ne communiquent pas ou peu sur les proportions d’acier, ni sur la traçabilité, tout comme la sidérurgie qui s’avère assez opaque sur les questions de recyclage et d’extraction de matière première. La difficulté, pour les maisons horlogères séculaires, est qu’elles ont à composer avec une tradition et une histoire personnelle fortes. Afin ne pas perdre leurs clients, il s’avère complexe de se réinventer totalement et de bousculer les fondements de leur marque. Pour une nouvelle venue comme ID Genève, la mission est tout autre: «Dans notre proposition de valeurs, c’est la durabilité qui est importante, la qualité intrinsèque de nos produits et l’aspect circulaire de l’économie de sa conception. Aujourd’hui, la compétitivité suisse et européenne n’est plus à prouver, comparativement à d’autres coins du Globe. Il est donc primordial pour nous de solliciter des partenaires locaux, plutôt qu’une industrie chinoise. Nous favorisons le local, mais aussi et surtout la qualité des prestations. Nous sommes, par exemple, allés chercher nos aiguilles auprès d’experts, à Morteau, en France, pour la simple et unique raison que ce sont les meilleurs dans ce domaine. Notre acier de qualité 4441 est celui utilisé pour les outils chirurgicaux, dont la pureté est précieuse en matière médicale. Aujourd’hui nous sommes capables de réutiliser de l’acier et de l’ «upcyclé» (néologisme composé du préfixe «up» et de «cyclé», qui suppose un recyclage à valeur ajoutée) de manière efficiente. La nouvelle génération doit absolument se tourner vers de nouvelles alternatives quant aux différents modes de fabrication. Ce que l’on appelle «déchetterie» aujourd’hui perdra de son sens dans les années à venir, si l’on suppose que tout objet peut trouver une seconde vie, pérenne et utile. Notre montre représente la vitrine de cette vision, un objet de précision haut de gamme, dont la majorité des composants est soit recyclée, soit à faible empreinte carbone. Il peut donc y avoir libre consommation, à partir du moment où cette consommation est consciente et éthique. En cette période de pandémie, l’économie circulaire me semble être un onguent pour l’économie générale et ID Genève est en capacité à générer des pistes de travail que devront, à terme, suivre les grandes marques horlogères. Nous n’ambitionnons pas d’être millionnaires, mais d’être véritablement significatifs dans le monde de l’horlogerie», conclut Nicolas Freudiger. 

Maximilien Bonnardot

www.idwatch.ch