Stars architecture

On est proche de tout!…

CARLOS MORENO
La ville du quart d’heure est l’avenir de la ville

Il a inventé une formule choc et subtile pour désigner la ville idéale, qui peut être aussi bien la ville traditionnelle que la ville du futur: la ville idéale est celle où l’on trouve tout ce dont on a besoin à quinze minutes au maximum de chez soi. D’origine colombienne, Carlos Morero est spécialiste en robotique industrielle, professeur à la Sorbonne. Engagé politiquement, c’est lui qui inspire la politique de la ville de la maire de Paris, Anne Hidalgo. «Six choses font qu’un urbain est heureux, explique-t-il. Habiter dignement, travailler dans des conditions correctes, s’approvisionner, le bien-être, l’éducation et les loisirs. Pour améliorer la qualité de vie, il faut réduire le périmètre d’accès à ces six fonctions». Ce qui implique des accès rapides, faciles et sécurisés, que ce soit à vélo, à pied ou en transports publics. D’où l’idée que la ville du futur devrait redevenir un peu ce qu’était la ville du passé, à savoir un espace délimité et circonscrit, façonné par l’histoire et par les besoins quotidiens de ses habitants. L’intuition de Carlos Morero: il faut recréer une bulle de proximité autour des êtres humains, pour leur rendre la maîtrise de leur vie.

JEAN NOUVEL
Le chemin de l’Arabie saoudite

Il est toujours aussi actif, toujours aussi lyrique, et a toujours le même goût pour les civilisations orientales dont l’histoire se perd dans la nuit des temps. Créateur du Musée du monde arabe, à Paris, Prix Pritzker 2008, Jean Nouvel travaille désormais à un énorme projet qui devrait aboutir en 2024: un complexe hôtelier capable d’accueillir quarante suites et un certain nombre de villas sur le site d’Al-Ula, en Arabie saoudite. Un lieu mythique où les traces de présence humaine remontent à 200 000 ans et qui doit devenir le symbole de l’ouverture du royaume au tourisme et à la vie moderne. Deux millions de visiteurs sont attendus chaque année à partir de 2035. «Cette création est en soi un acte culturel», confie l’artiste français.

Le Mucem, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille.

RUDY RICCIOTTI
L’homme qui aime le béton

Il ne fait pas dans le politiquement correct, dans la récitation appliquée des éléments de langage préparés par des communicants. Rudy Ricciotti est un artiste, un battant, un architecte qui n’a pas froid aux yeux et qui aime le débat, la bagarre intellectuelle, la contradiction. Autant dire qu’il est d’une autre époque, une époque révolue, et que l’on a immédiatement envie de le rencontrer, de le voir, de l’entendre… Créateur du Mucem, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, un bâtiment extraordinaire à Marseille, Rudy Ricciotti – formé en architecture à Marseille mais aussi – il en est fier – ingénieur issu du «Tech» de Genève, future HES, est, comme chacun sait, un amoureux fou du béton, ce matériau jadis (et aujourd’hui encore) honni et méprisé, ce mal-aimé, ce pelé, ce galeux, tout juste bon à construire des barres de HLM, des ponts, des autoroutes ou des barrages à la montagne. «Dans tous mes projets, s’exclame-t-il, provocateur et sûr de lui, il y a du béton. C’est un condiment qui réveille les papilles, je ne peux pas m’empêcher d’en mettre dans tous mes plats».
Il vient de publier un petit livre, «Le béton en garde à vue» (Editions Textuel): une pièce de théâtre loufoque et très intelligente, avec le béton dans le rôle de l’accusé public numéro 1. Et il ne plaide même pas coupable!

ALEXANDRE ORLOV
Son combat pour la cathédrale russe de Paris

A quoi sert un ambassadeur de Russie à Paris? Il sert d’abord à cultiver les relations politiques et économiques avec la France, mais peut aussi se transformer en ambassadeur culturel et spirituel, voire en acteur de l’architecture en marche. Ambassadeur pendant neuf ans, jusqu’en 2017, Alexandre Orlov, 72 ans, est un amoureux de la France et un avocat inlassable du dialogue franco-russe. Dans un livre de mémoires qui vient de paraître, «Un ambassadeur russe à Paris» (Editions Fayard), il raconte que le projet qui lui a tenu le plus à cœur durant tout son mandat et dont il est le plus fier, c’est la construction de la cathédrale de la Sainte-Trinité, sur le quai Branly, inaugurée le 19 octobre 2016, puis consacrée le 4 décembre suivant par le patriarche de Moscou et de toute la Russie, Cyrille.
Une cathédrale russe à Paris, en ces temps qui ne brillent pas forcément par leur ardeur spirituelle chrétienne? Alexandre Orlov raconte les innombrables tentatives de divers milieux pour faire échouer le projet, l’hostilité virulente d’une partie du pouvoir et de l’administration française (Bertrand Delanoë, Laurent Fabius, Aurélie Filippetti), les prétextes divers et variés pour essayer de tout bloquer, les bâtons dans les roues… C’est finalement Jean-Marie Wilmotte, cet artiste sensible et spirituel, grand connaisseur de la Russie, qui dessina et fit accepter cette cathédrale qui fait désormais partie de Paris et fait vibrer ce que l’amitié franco-russe a de plus fort et de plus profond.

François Valle